2.1.2- Les influences sur l’évaluation du service par le consommateur

 

Ici l’objectif est d’étudier la perception des consommateurs face à un service issu d’une stratégie de co-branding (co-dénomination fonctionnelle et conceptuelle).Il est apparu important d’étudier la représentation que les consommateurs pouvaient avoir d’une alliance de marques. Dans cette optique, le modèle des réseaux sémantiques, déjà utilisé dans les recherches antérieures, constituera le fondement théorique de cette recherche. L’intérêt de ce modèle est d’étudier les croyances attribuées à une association de marques et le service co-signé à partir des concepts catégoriels (typicalité, fit).

 

En identifiant les associations stockées en mémoire et l’organisation des connaissances, l’approche des réseaux sémantiques montrera comment, lors d’une stratégie de co-branding, l’information est représentée en mémoire, est perçue par les consommateurs et comment les services deviennent tangibles aux yeux du consommateur.

 

Cette recherche s'attache à identifier les facteurs pris en compte par les individus lors de leur processus d'évaluation, ici du service co-marqué.

 

Influence de la cohérence perceptuelle sur l’évaluation du service ou produit co-marqué.

 

Les recherches sur l’évaluation de l’extension de marque révèlent que plus le consommateur perçoit le produit ou le service comme étant logique par rapport à la marque, plus l’évaluation de l’extension est positive. Parce que la stratégie de co-marquage représente un certain type d’extension de marque, nous pensons que la cohérence perceptuelle (cohérence physique et cohérence image) joue un rôle important dans l’évaluation du service ou produit co-marqué. En d’autres termes, dans le cas d’une alliance entre produit et service, si il y a une logique entre la cohérence physique du produit et la cohérence image du service bien perçue par le consommateur, son évaluation du service sera positive.

Ainsi la marque de service pourra bénéficier, sans que le consommateur ne ressente une quelconque forme d’anxiété ou risque, un sentiment de quiétude à l’égard du service. Son caractère intangible s’en verra amoindri .Nous pouvons poser une première hypothèse :

Hypothèse 1 : Plus la cohérence image des marques partenaires est élevée plus le service co-marqué est évalué positivement.

 

 

Influence de la typicalité sur l’évaluation du service ou produit co-marqué

 

Les membres d’une catégorie ne sont pas équivalents quant à leur appartenance catégorielle, mais se répartissent selon un degré de représentativité ou de typicalité. Ainsi, selon leur capacité à représenter la catégorie, certains exemplaires sont peu représentatifs (atypiques) tandis que d’autres sont très représentatifs (typiques). Dans le cadre de la stratégie d’extension de marque, les résultats d’études montrent que les extensions typiques de la marque sont mieux évaluées que celles perçues comme atypiques. Parce que la stratégie de co-marquage représente une forme particulière d'extension de marque, ceci laisse penser que la typicalité des marques partenaires dans la catégorie de service ou produit et la typicalité du service ou produit dans les marques alliées sont des éléments déterminants dans l’évaluation du service. On souligne ici que le service se doit être typique, représentatif de la catégorie de produit étudiée. Prenons l’exemple d’un opérateur téléphonique lequel propose à la vente de téléphones plus ou moins perfectionnés. Le service allié sera représentatif à la catégorie de produit si il y a une logique dans l’offre du produit et le service proposé, par exemple l’affichage du numéro des appels entrants.

 

H2a : Plus la typicalité de la marque-accueil dans la catégorie du produit co-marqué est élevée, plus le service co-marqué est évalué positivement.

H2b : Plus la typicalité de la marque-invitée dans la catégorie du produit co-marqué est élevée, plus le service co-marqué est évalué positivement.

 

 

 

 

Sur l’influence de la cohérence perceptuelle et de la pertinence du service ou produit :

 

Le co-marquage fonctionnel représente une collaboration entre marques au niveau des attributs physiques. Quant au co-marquage symbolique, il se fonde sur un transfert d’image entre les marques partenaires (Cegarra et Michel, 2001). Ceci laisse supposer que l’évaluation d’un service issu d’un co-marquage fonctionnel est davantage déterminée par la cohérence physique du produit. Tandis que l’évaluation d’un service issu d’un co-marquage symbolique semble être davantage déterminée par la cohérence image.

En reprenant notre postulat de départ qui part sur le principe d’une alliance entre produit et service, le service dans le cas d’un co-marquage fonctionnel bénéficiera des attributs physiques du produit et donc de sa cohérence physique à la marque ; et dans le cas d’un co-marquage de type symbolique, le produit bénéficiera du transfert d’image du service sur le produit.

H3a : Dans le cas du co-marquage fonctionnel, l’évaluation du service est plus influencée par la cohérence physique du produit que dans le cas du co-marquage symbolique.

 

H3b : Dans le cas du co-marquage symbolique, l’évaluation du produit est plus influencée par la cohérence image du service que dans le cas du co-marquage fonctionnel.

 

Une autre approche est intéressante à explorer : l’approche de Keller (1993), qui analyse le capital client de la marque en mettant en évidence deux dimensions perceptuelles de la connaissance de la marque : l’attention à la marque et l’image de marque.

Ses travaux se basent sur la théorie des réseaux sémantiques de la mémoire à long terme, qui caractérise la mémoire comme un ensemble de nœuds et de liens. De façon générale, toute information va se stocker en mémoire dans un nœud, qui est relié à d’autres nœuds par des liens variant en terme de force. Le rappel d’une information met en œuvre un processus d’activation du réseau de nœuds auquel cette information est reliée. Plus le lien entre les nœuds d’information est fort et plus l’activation de l’un de ces nœuds va activer les autres.

Fidèle à cette théorie de la mémoire, la marque peut être considérée comme un nœud auquel sont relié d’autres nœuds, qui sont les associations à la marque. Ce réseau de nœuds et de liens constitue la connaissance de la marque par les consommateurs (Keller, 1993). L’attention à la marque – la première dimension de la connaissance de la marque identifiée par Keller – fait référence à la force d’ancrage du nœud « marque » dans la mémoire des individus, et donc à la capacité d’activer ce nœud. L’image de marque est définie quant à elle comme les « perceptions about a brand asreflected by the brand associations held in consumer memory ». Les perceptions des consommateurs à l’égard de la marque se fondent donc sur le réseau d’associations à la marque, qui donne véritablement le sens de la marque (« brand meaning »).

Il existe différents types d’associations à la marque. Sans être ici exhaustif, certains auteurs distinguent les associations fonctionnelles, telles que des attributs (Keller, 1993 ; Farquhar et Herr, 1993 dans Changeur et Dano, 1996), des situations d’usage (Aaker, 1991) ou des bénéfices fonctionnels (Keller, 1993). D’autres identifient des associations plus abstraites basées sur des éléments affectifs, symboliques ou émotionnels (Aaker, 1991 ; Keller, 1993).

De plus, parmi l’ensemble des associations pouvant être générées pour une marque, Keller distingue un sous-ensemble d’associations susceptibles d’influencer plus directement le capital marque. Ainsi, selon lui, « customer-based brand equity occurs when the consumer is familiar with the brand and holds some favorable, strong and unique brand associations inmemory ». Ce sous-ensemble est donc constitué d’associations qui répondent aux caractéristiques suivantes :

- La force d’une association fait référence à la force de la connexion entre l’association et le nœud « marque » et influence directement la qualité de l’activation, et donc l’accessibilité mentale de l’association en lien avec la marque.

- Le degré de favorabilité (ou la valence) d’une association fait référence à une évaluation de l’association plutôt favorable ou plutôt défavorable dans l’esprit du consommateur. Le succès d’un programme marketing va en partie dépendre de la capacité à créer des associations positives autour de la marque.

- L’unicité d’une association fait référence au caractère partagé ou exclusif de l’association avec les marques concurrentes. Des marques bénéficiant d’un positionnement fort et différenciant sont davantage susceptibles de présenter une ou plusieurs associations uniques.

Il semble exister un consensus dans la littérature sur le fait que ces trois caractéristiques donnent de la valeur aux associations, c’est-à-dire qu’elles se traduisent en utilité pour les consommateurs. D’autres caractéristiques en revanche sont évoquées par certains auteurs, mais leur effet ne ressort pas de façon significative dans des travaux empiriques.

- La cohésion d’une association fait référence au degré selon lequel l’association partage du sens avec les autres associations. On s’attend à ce qu’au plus les associations soient cohésives, au plus l’image de marque soit claire et compréhensible pour les consommateurs.

- Le nombre d’associations est d’après Krishnan (1996) une variable qui caractérise le capital marque. Krishnan prétend en effet que « from an equity perspective, it is important for brands to have a large number of associations ».

- L’origine des associations : Krishnan (1996) suggère que les associations constitutives d’une expérience directe soient plus fortes que celles basées sur une expérience indirecte.

De même, au sein des sources indirectes, la communication non contrôlée par l’entreprise (p.ex. le bouche à oreille) bénéficierait d’un plus grand crédit que la communication contrôlée (la publicité par exemple).

Comme nous en avons discuté préalablement, les services varient selon leur degré d’intangibilité, ce qui occasionne certains problèmes et rend nécessaire la tangibilisation des services. Certains auteurs (Berry et Parasuraman, 1980 ; Flipo, 1988 ; Levitt, 1981) ont souligné le rôle du branding et/ou de l’image de marque comme réponse possible à ce problème d’intangibilité. Plus particulièrement, il semblerait qu’il soit souhaitable de développer certains types d’associations à la marque pour renforcer la « réalité » perçue de ces services afin d’en faciliter leur compréhension. De même, la littérature sur le management des activités de services suggère que l’origine de ces associations puisse constituer un catalyseur supplémentaire de ce processus de tangibilisation des services, puisque les sources personnelles et le bouche-à-oreille (c’est-à-dire la communication non contrôlée par l’entreprise) s’avèreraient être particulièrement adaptés à la communication autour des activités de service.

Malheureusement, il semble qu’aucun travail empirique n’ait encore été mené sur l’étude de la contribution possible de la marque et/ou de l’image de marque au processus de tangibilisation. Ainsi, il n’a jamais été testé empiriquement qu’une marque – et plus particulièrement que le développement d’une image de marque particulière – puisse effectivement rendre un service plus tangible dans la perception du consommateur. De plus, aucune indication n’est donnée quant au type d’image de marque à promouvoir. Ainsi, la littérature se limite à évoquer la force de l’image de marque comme levier de tangibilisation.

Ainsi, nous devons identifier s’il est plus souhaitable de promouvoir certains types d’associations selon le type de service à marqueter. De plus, nous allons analyser si certaines sources d’information sont plus adaptées que d’autres dans la promotion de ces associations. En effet, comme nous l’avons dit dans la section précédente, il n’existe pas dans la littérature de consensus sur l’origine des associations et leur nombre comme caractéristiques utiles au capital marque. Ainsi, Berry (2000) suggère dans son « service branding model » que l’expérience joue un rôle prépondérant sur la construction de l’image de marque d’un service, alors que le bouche-à-oreille et la communication personnelle semblent n’avoir qu’un rôle secondaire. Une recherche empirique menée par Camelis (2002) offre un premier niveau de validation du modèle de Berry, en démontrant qu’image de marque et expérience de service sont étroitement liés.

 

 

Validation de l’impact de la marque sur le processus de tangibilisation des services :

Avant d’analyser l’image d’une marque de service en vue d’identifier des caractéristiques permettant de maximiser la contribution au processus de tangibilisation, nous devons tout d’abord nous assurer que la marque de service constitue effectivement un levier de tangibilisation des services. Ainsi, nous cherchons à valider les hypothèses suivantes :

H1 : La marque de service est perçue comme étant significativement plus tangible que la catégorie de service à laquelle elle appartient.

H2 : Deux marques de service distinctes appartenant à la même catégorie de service peuvent présenter des différences significatives dans leur score d’intangibilité.

Nous avons des indices qui nous laissent penser que ces hypothèses seront validées. Ainsi, Berry et Parasuraman (1991) font mention explicite de la marque de service comme levier de tangibilisation des services. Néanmoins, ceci n’est qu’une proposition théorique. De plus, l’étude empirique menée par McDougall et Snetsinger (1990) nous conforte dans l’intuition qu’il existe des différences entre marques appartenant à une même catégorie de service. En effet, ces auteurs ont développé une échelle de mesure de l’intangibilité qui leur ont permis de positionner des catégories de service sur un continuum d’(in)tangibilité. Dans une seconde étape, ils ont effectué le même travail, mais au niveau des marques appartenant aux catégories de service analysées. Ils ont positionné deux marques par catégorie (marque A et B). Des différences ont été mises à jour pour certaines marques analysées. Ainsi, dans la catégorie « compte d’épargne » par exemple, les deux marques présentaient chacune un score de tangibilité plus élevé que le score de la catégorie. De même, des différences existaient entre les marques. Néanmoins, ces résultats sont insuffisants pour tester les hypothèses 1 et 2.

En effet, l’étude de McDougall et Snetsinger n’avait pas pour objet principal de tenter de démontrer ces hypothèses. Dès lors, nous ne savons pas si les différences de scores de tangibilité entre marque et catégorie de service sont significatives. De plus, nous ne savons rien des marques utilisées (A et B). Finalement, l’échelle de mesure du degré d’intangibilité utilisée par ces auteurs peut faire l’objet d’amélioration. Elle n’inclut pas, par exemple pas toutes les dimensions de l’intangibilité identifiées par des travaux plus récents.

 

Il ne faut pas négliger que l’évaluation du service par le consommateur peut être interrompue, influencé par des perceptions propres à chaque individu. On parle alors, ici, de la notion de risque.